à la fin du Néolithique
Olivier Lemercier
D’une colonisation à l’autre
Au début du troisième millénaire avant notre ère, l’Europe occidentale offre l’image d’un morcellement important où de très nombreuses cultures régionales voire micro-régionales s’épanouissent sur de petits territoires, rivalisant d’ostentation. Certaines pratiquent la métallurgie ou élèvent de grands monuments, mais beaucoup perpétuent des traditions déjà millénaires.
Cette situation reflète l’histoire déjà longue et complexe du Néolithique, pendant lequel les groupes humains qui occupent l’Europe n’évoluent pas de façon identique ni synchrone. De profonds décalages sont sensibles d’une région à l’autre et trouvent leur origine dans la néolithisation elle-même –la diffusion de l’économie, du mode de vie néolithique- qui met près de 3000 ans à parcourir l’Europe depuis la Grèce et la péninsule balkanique jusqu’aux îles britanniques (Mazurié, 2003). L’histoire de la néolithisation, qu’il s’agisse de colons à la recherche de nouvelles terres ou de l’acculturation des populations indigènes, avec ses phases de progression rapide et de longue stagnation à travers le continent, a conduit dès la fin du Néolithique ancien, au cinquième millénaire avant notre ère, à l’éclosion d’une multitude de cultures archéologiques à l’identité affirmée (Guilaine, 2003). Dès que l’Europe est « néolithisée », les sociétés évoluent de façons variées. A l’extrême occident, sur les côtes atlantiques de l’Europe, c’est une évolution sociale qui est la plus sensible avec le développement des grands monuments et du mégalithisme. Mais au même moment, au sud-est du continent, c’est une évolution technique –le développement de la métallurgie du cuivre et de l’or- qui marque le cinquième millénaire et conduit elle aussi à de profondes transformations des sociétés.
Fig. 1 : Le site de Stonehenge (Angleterre) est probablement le monument le plus célèbre de la fin du Néolithique. Si le premier aménagement (fossés) peut être daté autour de 3000 avant notre ère illustrant la monumentalité de la fin du Néolithique en Europe occidentale, c’est à partir de la période campaniforme, dans la seconde moitié du 3e millénaire, qu’est érigé le grand monument mégalithique central. (photo : O. Lemercier)
C’est sans doute dans cette dernière, et dans l’Estremadura portugaise, que va apparaître le phénomène d’ampleur continentale que l’on appelle le Campaniforme. Ce Campaniforme qui va se diffuser à une grande partie de l’Europe et recouvrir celle-ci de la Pologne jusqu’au Maroc et d’Irlande jusqu’en Sicile, va tendre à uniformiser pour la première fois l’Europe, au travers de certains types d’objets et de certains rites ; il va surtout répandre la pratique métallurgique et développer de nombreuses voies de communication à travers le continent ouvrant l’Europe sur les âges des métaux.
1. L’énigme campaniforme
1.1 Eléments de définition
Le terme de campaniforme s’applique avant tout à une série d’objets archéologiques et principalement à un gobelet de céramique dont le profil en S, lui conférant une forme de cloche à l’envers, lui a donné son nom. Ce gobelet, présentant de nombreux types, porte un décor en creux, réalisé par impression et incision, assez couvrant et chargé mais le plus souvent organisé selon une grammaire stricte en bandes horizontales. Ce décor présente lui aussi une grande variété de styles dont le plus largement répandu se compose de bandes hachurées de lignes pointillées réalisées au peigne ou au coquillage. Ces différents décors ont permis d’associer au Campaniforme, d’autres types de céramique décorée, comme des bols, des écuelles et des jattes de taille variable. Une céramique commune, non décorée et plus fruste a été reconnue, par la suite, comme s’associant spécifiquement aux céramiques décorées campaniformes.
C’est encore par association récurrente que d’autres objets –non céramiques- ont pu être qualifiés de campaniformes. Il s’agit de plusieurs éléments de parure généralement en os, comme certains boutons à perforation en V, des pendeloques arciformes parfois décorées et certains petits objets de cuivre et d’or. Il s’agit aussi d’outils et d’armes, comme plusieurs types de poignard en cuivre et de grandes armatures de cuivre appelées pointes de Palmela. Il s’agit enfin de « l’équipement de l’archer » composé d’armatures de flèches de types très particuliers (à base concave dans la Péninsule Ibérique et en Europe centrale et à pédoncule et ailerons équarris en Europe occidentale) et de brassards d’archer (plaquettes de pierre perforées à leurs extrémités).
Fig. 2 : Le site de Zambujal (Portugal), caractéristique du développement des habitats fortifiés de la culture de Vila Nova de Sao Pedro, est construit et transformé tout au long du 3e millénaire. Il a livré de nombreux vestiges campaniformes et montre, sans doute, le monde dans lequel le phénomène campaniforme est apparu. (photo O. Lemercier)
Dès le début des découvertes, des objets campaniformes ont été remarqués dans de nombreuses régions d’Europe parfois éloignées les unes des autres. Depuis, les régions initialement vides ont, pour la plupart, livré des vestiges attribuables au Campaniforme mais certaines demeurent cependant à l’écart du phénomène. Aujourd’hui la géographie campaniforme connue s’étend des côtes atlantiques à l’ouest (de l’Irlande au Maroc) jusqu’au nord-est de l’Europe (Pologne), vers le sud-est jusqu’à la Hongrie et vers le sud jusqu’ au sud de l’Italie, aux îles de Méditerranée occidentale (Sicile, Sardaigne, Baléares) et peut-être à l’Algérie.
Un dernier élément de définition nous est donné par la chronologie de ce phénomène. S’il a toujours été considéré comme un évènement assez bref à la fin de la Préhistoire, le développement des datations radiocarbones a bien montré qu’il se cantonnait dans la seconde moitié du troisième millénaire essentiellement et dans les premiers siècles du second millénaire dans certaines régions.
Cette définition du Campaniforme (des gobelets décorés associés, dans des sépultures individuelles, à des armes et des parures d’os, de cuivre et d’or et à l’équipement de l’archer. L’ensemble se répandant rapidement à l’Europe entière) a conduit les archéologues à considérer le phénomène campaniforme comme une énigme sur laquelle les chercheurs travaillent depuis maintenant plus d’un siècle.
Les premières découvertes de campaniformes remontent au XIXe siècle, au moment du développement de l’archéologie préhistorique. Dans cette période des premières formalisations de la chronologie de la Préhistoire, les céramiques décorées campaniformes paraissent souvent trop « parfaites » ou « évoluées » pour être attribuées au Néolithique. On les pense « fabriqués au tour » (Bottin, 1885, 1899) ou on les attribue à l’âge du Bronze (Cazalis, 1878). Mais G. de Mortillet observe dès cette époque les similitudes entre des vases décorés provenant de dolmens de la Côte d’Azur et de Bretagne.
Il faut cependant attendre la première moitié du XXe siècle pour assister à la reconnaissance du Campaniforme, à sa définition et aux premières interrogations concernant sa large répartition, son origine et sa nature même. Les plus grands archéologues de ce temps vont dès lors participer à un âpre débat entre les tenants d’une origine orientale du Campaniforme avec O. Montelius et J. Déchelette et ceux qui envisagent une origine européenne au phénomène autour de P. Reinecke. Plusieurs synthèses régionales apparaissent déjà dans divers pays d’Europe, comme en Angleterre (Abercromby, 1912) ou en Espagne (Pericot, 1925)… Mais la première synthèse d’importance, tentant de réunir les données à l’échelle européenne est l’œuvre de A. del Castillo, en 1928 (Del Castillo, 1928). L’origine du phénomène est alors envisagée le plus souvent dans la Péninsule Ibérique, en Europe centrale puis dans la région du Rhin inférieur et la nature du phénomène est rapportée à la migration de peuples à partir de ces régions (Gordon Childe, 1924).
Dans la seconde moitié du XXe siècle, les découvertes se multiplient et avec elles, les recherches spécifiquement consacrées au Campaniforme. Les synthèses régionales se développent en nombre dans la plupart des régions concernées par le phénomène en même temps que les premières datations radiocarbones permettent de mieux le situer en chronologie. L’existence de styles régionaux composant cette grande entité est mise en avant par de nombreux chercheurs, en même temps que l’existence de phases chronologiques et stylistiques de ces ensembles dans certaines régions, comme dans le Midi de la France (Guilaine, 1967, 1976). Les théories évoluent elles aussi, passant du diffusionnisme historique –qui perdure parfois avec le développement de schémas complexes (Sangmeister, 1963) à des modèles socio-économiques à partir des années 1960-1970. Le Campaniforme est alors conçu comme un ensemble (« Package » ou « set ») d’objets de prestige correspondant à des échanges à longue distance. Parallèlement, l’origine même des fameux gobelets décorés est placée, à partir d’une évolution typologique théorique, aux Pays-Bas où le Campaniforme serait issu de la culture Cordée, grand ensemble culturel de l’Europe centrale et septentrionale au troisième millénaire.
Fig. 3 : Sépulture de La Fare (Forcalquier, Alpes-de-Haute-Provence) illustre la diffusion campaniforme en France méditerranéenne. Il s’agit probablement de la sépulture d’un indigène, inhumé avec des gobelets de la tradition locale Rhône-Ouvèze mais aussi un gobelet campaniforme et selon des rites (position, orientation, mobilier) étranger à la région. (fouilles et photo : O. Lemercier et A. Müller)
1.3 Problématiques et interrogations
Après plus d’un siècle de recherches, les principales questions sont toujours posées et finalement peu de consensus sont apparus entre les spécialistes.
L’origine du phénomène demeure une question débattue. Depuis le rejet des hypothèses extravagantes émises au début du XXe siècle, comme celle de l’Egypte, trois régions sont demeurées les plus souvent évoquées (Péninsule Ibérique, Europe centrale et Rhin inférieur), avec une prédominance du Rhin inférieur pendant ces trente dernières années. Un certain nombre de recherches actuelles (techniques de fabrications des vases et des décors, distributions des datations radiocarbones) semblent converger vers une origine ibérique, et peut-être portugaise, du phénomène.
La chronologie fine du Campaniforme pose encore de nombreux problèmes, à la fois en raison de problèmes méthodologiques et archéologiques. La faible résolution des datations radiocarbones ne permet pas de préciser la chronologie d’un phénomène d’une durée de quelques siècles seulement, d’autant que cette période correspond à un palier de la courbe de calibration rendant les datations plus imprécises encore. Le Campaniforme, généralement absent des sites des bords de lacs, ne bénéficie pas non plus -ou très rarement- des datations dendrochronologiques qui seules offriraient une résolution suffisante pour appréhender les questions de successions stylistiques et de diffusions. Par ailleurs, et toujours en raison de la faible durée du phénomène, il demeure tout aussi difficile d’en observer les évolutions en stratigraphie sur le terrain ; le Campaniforme se présentant le plus souvent compacté en une unique couche et parfois mélangée à d’autres occupations antérieures ou postérieures.
La place chronologique du phénomène est cependant de mieux en mieux connue, s’étendant sur la seconde moitié du troisième millénaire avant notre ère et, dans certaines régions sur les premiers siècles du second millénaire.
Contrairement à une idée reçue dans la communauté archéologique, c’est sans doute la question de la nature du phénomène campaniforme qui a le plus progressé dans les dernières années. Si on ne sait toujours pas aujourd’hui ce qui a permis le succès du Campaniforme à travers l’Europe, la question de ce qui circule effectivement a pu être précisée. On sait aujourd’hui que très peu de vases décorés ont été échangés ou apportés sur de longues distances. Le Campaniforme correspond bel et bien au déplacement d’idées et de techniques qui ne peuvent être l’effet que de déplacements de personnes, même si l’idée de grandes migrations de population n’est plus retenue aujourd’hui. Parallèlement, concernant le mobilier de l’assemblage campaniforme, celui-ci correspond de façon évidente à de multiples origines (Gallay, 1997), témoignant avant tout de l’existence d’un système d’échanges ou de déplacements important et complexes à travers l’Europe dans la seconde moitié du troisième millénaire avant notre ère.
2. Le Campaniforme aujourd’hui
2.1 Le cadre chronoculturel
Le cadre chronoculturel d’apparition et de développement du Campaniforme en Europe demeure particulièrement complexe et constitue probablement une des clés à la fois du succès du phénomène à travers le continent, mais aussi de notre compréhension de celui-ci.
Pendant longtemps, Campaniforme et métallurgie ont été associés par les archéologues en Europe occidentale, les principaux objets de cuivre et d’or connus dans ces régions étant le plus souvent en contexte campaniforme. Puis le développement d’une archéologie minière et paléométallurgique a clairement montré l’antériorité stricte du développement de la métallurgie sur la diffusion campaniforme dans plusieurs régions d’Europe occidentale. Le Campaniforme a alors perdu l’un de ses éléments d’explication qui le faisait considérer comme un vecteur de la diffusion de la pratique métallurgique. Il semble évident aujourd’hui que si réduire le Campaniforme à la diffusion de la métallurgie était caricatural, le rejet de ce lien l’est tout autant. En effet, si plusieurs centres métallurgiques anciens ont pu être reconnus dans les dernières décennies en Italie sans doute pour les plus précoces dès le quatrième millénaire, en Corse, en Languedoc et dans le sud de l’Espagne, dès la fin du quatrième millénaire ou les tous débuts du troisième, ceux-ci restent très localisés et leur production peu importante et relativement faiblement diffusée. Et si de rares objets métalliques se retrouvent dans de nombreuses régions d’Europe occidentale dans des contextes strictement pré-campaniformes de la première moitié du troisième millénaire, ce n’est qu’avec la diffusion campaniforme que la pratique métallurgique elle-même va se répandre et s’implanter dans ces mêmes régions, voire même supplanter les techniques métallurgiques issues des traditions locales anciennes.
En Europe occidentale, aux marges de l’extension du monde cordé qui s’étend jusqu’aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse et dans l’Est de la France, la situation culturelle est très contrastée d’une région à l’autre. Au milieu du troisième millénaire, la moitié sud de la France présente une mosaïque culturelle (Rhône-Ouvèze, Verazien récent ou final, groupe des Treilles) en cours de recomposition sous l’influence de la culture languedocienne de Fontbouisse, l’Ouest est occupé par le grand ensemble artenacien, alors que le nord demeure méconnu et serait marqué par le développement de groupes comme le Gord et le Deûle-Escaut. La Bretagne est occupée par un groupe spécifique appelé Kerugou Quessoy, le Jura par le groupe de Chalain et l’axe Saône-Rhône par le groupe du même nom. La Péninsule Ibérique est marquée par une série de groupes dits chalcolithiques mais surtout par les deux grandes cultures de Los Millares en Andalousie et de Vila Nova de Sao Pedro au Portugal. L’Italie n’échappe pas à la règle du morcellement avec une série de groupes culturels définis comme énéolithiques et propres à chaque région (Céramique métopale, Enéolithique toscan, Rinaldone, Laterza…), le groupe de Malpasso en Sicile, celui de Monte Claro en Sardaigne et le Terrinien en Corse. Dans les îles britanniques, Grande-Bretagne et Irlande, la première moitié du troisième millénaire est surtout rapportée à la Grooved Ware Culture, mais celle-ci est aussi divisée en de multiples faciès régionaux. C’est donc une très grande variété de contextes que va rencontrer le phénomène campaniforme lors de sa diffusion, pouvant expliquer des réactions locales diverses, des intégrations différentes, voire des rejets partiels ou complets.
L’apparition et le développement du Campaniforme dans le Midi de la France ont pu être envisagés grâce à une approche très précise des données contextuelles et du mobilier archéologique dans un contexte chronoculturel relativement maîtrisé et dans un espace géographique réduit dans le sud-est de la France (Lemercier, 2004a et b ; Furestier 2005). Dans cette région, les assemblages campaniformes ont pu être précisés et trois phases distinctes du Campaniforme ont pu être distinguées. Le modèle proposé a ensuite pu être étendu à l’ensemble du Midi méditerranéen français, aux côtes ligures et tyrrhéniennes de l’Italie et à la Sardaigne (Lemercier et al, sous presse).
L’apparition du Campaniforme dans le Midi de la France date du milieu du troisième millénaire avant notre ère. Les assemblages comprennent des vases campaniformes de style international ou standard (Salanova, 2000), mais aussi un ensemble céramique aux décors plus complexes appelé style pointillé géométrique qui se retrouve dans l’ensemble du bassin méditerranéen occidental et de la façade atlantique. Les assemblages campaniformes sont alors généralement relativement réduits présentant de la vaisselle fine, des outillages, des armes et des éléments de parures mais la céramique commune demeure dans les traditions locales de la fin du Néolithique. Le Campaniforme se trouve alors dans des sépultures (généralement collectives selon les traditions locales), mais aussi dans deux types de contextes domestiques. Il s’agit d’une part de sites perchés, souvent naturellement défendus et de superficie réduite, généralement implantés le long de la côte méditerranéenne, à l’embouchure des fleuves et le long de ceux-ci. Ces sites présentent des ensembles importants et mêlés à divers éléments de la culture matérielle locale – le groupe Rhône-Ouvèze en Provence. Il s’agit d’autre part, de petits ensembles campaniformes (de un à trois vases) qui vont se trouver sur des sites des cultures locales de la fin du Néolithique, beaucoup plus loin à l’intérieur des terres.
Après cette première phase d’implantation, le Campaniforme se développe sur place comme une entité culturelle autonome dans le sud-est de la France, avec un renouvellement important des traditions matérielles définissant un groupe strictement régional appelé le groupe Rhodano-Provençal, alors qu’un groupe Pyrénéen se développe en Languedoc occidental et que d’autres ensembles strictement régionaux eux aussi apparaissent en Italie centrale et en Sardaigne par exemple. Cette phase, la plus difficile à dater précisément, voit l’expansion campaniforme sur l’ensemble de la région dans tous les types de sites et de sépultures possibles. L’augmentation du nombre de sites présentant l’assemblage rhodano-provençal semble induire à cette époque la disparition, peut-être progressive, des cultures locales du Néolithique final. Le développement d’une céramique commune, spécifique (Besse, 2003) au Campaniforme récent, permet de mettre en relation plusieurs de ces groupes régionaux aux céramiques décorées de styles différents.
A partir de 2150-2100, apparaissent dans la région, des éléments probablement strictement étrangers à l’évolution locale. Il s’agit d’une part d’une céramique de tradition campaniforme mais présentant des morphologies et des décors très particuliers en rupture avec la tradition campaniforme régionale et d’autre part des premiers éléments en bronze, encore bien rares mais présents. Ce nouvel ensemble généralement appelé « épicampaniforme » ou « groupe à céramique à décor barbelé » va perdurer jusqu’au-delà du tournant du millénaire, au moins jusqu’en 1900-1850, moment auquel l’âge du Bronze ancien va se mettre en place avec l’arrivée massive d’objets en bronze et de nouvelles influences extérieures.
2.3 La question des origines
La caractérisation précise des assemblages campaniformes et la mise en évidence stricte de ces trois phases permet d’envisager l’origine des différents éléments attribués au Campaniforme, non pas comme un ensemble unique d’objets provenant de diverses régions d’Europe, mais comme une succession d’influx et de contacts privilégiés avec certaines régions plus ou moins précises.
Fig. 6 : Vases campaniformes : 1 – Portugal, 2-3 – Espagne centrale, 4-5 – République tchèque, 6 – Angleterre. (photos : O. Lemercier)
Ainsi la première phase de l’implantation campaniforme montre de notables affinités avec la Péninsule Ibérique et peut-être en particulier avec le Portugal alors que rien n’évoque clairement les régions d’Europe du nord (Pays-Bas) ou d’Europe centrale où certains ont voulu voir l’origine du phénomène. Cette origine supposée est conforme avec l’analyse technologique des céramiques et avec l’examen de l’importance des corpus qui envisagent aussi le Portugal comme région d’origine. Par ailleurs, les plus récentes synthèses concernant les datations disponibles pour le Campaniformes montrent elles aussi très nettement l’antériorité du Campaniforme du sud-ouest de l’Europe sur celui des régions plus orientales ou septentrionales (Bailly & Salanova, 1999 ; Müller & van Willigen, 2001).
Au Campaniforme récent, avec le groupe Rhodano-Provençal, c’est encore une fois la Péninsule Ibérique qui offre les meilleures comparaisons, mais celles-ci se trouvent alors non plus au Portugal mais en Espagne, et particulièrement dans la zone du groupe régional de Ciempozuelos qui couvre une large part du nord, de l’est et du sud de la péninsule. L’identité de certaines productions céramiques, en particulier, est tellement forte qu’elle suppose des contacts importants et répétés faisant à ce moment de la France méditerranéenne une province espagnole. Cependant, le groupe Rhodano-Provençal montre aussi l’existence d’autres affinités plutôt centre-européennes pour certains types de céramiques et de parures. Il faut alors envisager le Midi français dans une position de relais entre l’origine probable du phénomène dans la Péninsule Ibérique et les régions de diffusions lointaines au nord et à l’est qui rediffusent à leur tour et en retour des éléments de leurs propres traditions.
En plus de cette double influence, où la Péninsule Ibérique demeure en position dominante, l’apparition d’une même tradition pour la céramique domestique qui va être partagée par de nombreux groupes en France, en Suisse et en Italie (Besse, 2003, Leonini 2002), définissant un ensemble « méridional » face à d’autres ensembles qui se développent en Europe septentrionale et centrale, pose la question de l’identité et de l’autonomie de ces groupes campaniformes. A l’échelle européenne, le Campaniforme présente alors au moins deux grands pôles avec d’une part la Péninsule Ibérique et une Europe méditerranéenne et occidentale et d’autre part l’Europe centrale et septentrionale, où le Campaniforme se développe de façon très importante en remplacement de la culture cordée.
La fin du Campaniforme avec la mise en place dans le Midi de la France des céramiques à décor barbelé met en lumière l’existence d’autres dynamiques en rupture avec ces voies principales de diffusion du Campaniforme. C’est en effet vers l’Italie et, au-delà, vers le nord-ouest des Balkans qu’il faut chercher l’origine probable de ces céramiques. Les morphologies faisant essentiellement référence au domaine italique de la fin du Néolithique et du Campaniforme et la technique du décor barbelé, très spécifique au moyen d’un peigne fileté, renvoyant directement à des productions non campaniformes du troisième millénaire de la région de Ljubljana en Slovénie (Dimitrijevic, 1967).
3. Comprendre le phénomène Campaniforme
3.1 Nature et modèle
L’analyse des ensembles campaniformes en France méditerranéenne conduit à plusieurs remarques permettant de mieux appréhender la nature du phénomène.
Tout d’abord, la nécessité de décomposer l’entité appelée campaniforme en plusieurs ensembles distincts est évidente et confirme en partie les premières propositions de phasage du phénomène dans le Midi de la France (Courtin, 1967 ; Guilaine, 1967, 1976). La France méditerranéenne est l’une des régions d’Europe où le Campaniforme a connu un certain succès et ou sa première diffusion a conduit à de notables transformations des sociétés indigènes. Il y a à l’évidence du temps dans ce phénomène ; ce qui permet en sériant les assemblages et en les rapportant à un phasage simple – une phase ancienne d’implantation, une phase récente de développement local et une phase tardive – de mieux appréhender la nature ou plutôt les natures mêmes du Campaniforme.
Les deux premières phases observées pour le Campaniforme de la France méditerranéenne, en fonction des assemblages archéologiques et de leur contexte de découverte permettent de proposer pour l’apparition et le développement du Campaniforme dans cette région, un schéma du type exploration – implantation – acculturation.
L’implantation des sites de la phase ancienne, sur des topographies particulières et le long des côtes et des principaux axes de communication pourrait correspondre à une phase d’exploration et d’implantation de « comptoirs » à partir desquels des objets sont échangés, diffusés, avec les populations indigènes plus loin à l’intérieur des terres, ce qui explique la présence d’objets campaniformes isolés sur des sites du Néolithique final local et le plus souvent dans des sépultures –mettant en avant le caractère exotique ou prestigieux des objets campaniformes pour les populations indigènes. Ces objets sont pour l’essentiel fabriqués sur place, avec des matériaux locaux ou régionaux mais selon les techniques propres aux traditions campaniformes (Convertini, 1996, 1998). Evidemment, la claire distinction entre les premières explorations et l’implantation des premiers sites campaniformes est impossible. Mais la diffusion campaniforme ne s’arrête pas dans le Midi méditerranéen de la France et se poursuit au-delà, à la fois le long des côtes méditerranéennes vers l’Italie et, par la vallée du Rhône, vers l’Europe septentrionale et orientale.
La phase suivante correspondant au développement des groupes régionaux Pyrénéen en Languedoc occidental et Rhodano-Provençal dans le sud-est, témoigne à la fois de l’intensification des relations entre ces régions et la « région mère » du Campaniforme ou ses périphéries dans la Péninsule Ibérique, mais aussi de l’intensification des échanges dans l’ensemble des régions touchées par le phénomène dans sa phase initiale. Le Campaniforme s’apparente alors dans le Midi de la France à une culture archéologique « normale » avec une grande variété de sites et de sépultures et une culture matérielle complète et autonome. Cette phase peut être envisagée comme celle d’une colonisation plus ou moins importante en provenance de la Péninsule Ibérique et/ou d’une acculturation des populations indigènes qui transparaît avec la disparition relative et sans doute progressive des cultures locales du Néolithique final.
La dernière phase, avec l’apparition des céramiques à décors barbelés marque l’apparition de nouvelles influences d’origine sans doute principalement italique dont la nature nous échappe encore (re-développement des sépultures individuelles, développement des fortifications…) et correspond à un nouveau schéma culturel de l’Europe occidentale qui porte en germe le développement des sociétés du métal à l’âge du Bronze.
Fig. 7 : Décor de gobelet campaniforme d’Europe centrale (République tchèque). (photo O. Lemercier)
Ce modèle propose trois phases. La première est appelée « phase d'exploration » et concerne les premiers contacts entre les grecs et les indigènes. Elle est marquée par la présence, dans certaines tombes, de vases importés. Ils sont rares et appartiennent presque exclusivement à la catégorie des vases à boire. Ces objets seraient à rapporter à des remises de cadeaux lors de contacts épisodiques liés à l’exploration des rivages par les navigateurs grecs. La seconde phase correspond à des contacts réguliers, une intensification des échanges et des tentatives d’installation. Elle est postérieure à la fondation de Marseille par les Phocéens dans la région voisine. Cette phase se marque tout d’abord par une augmentation des objets de traditions grecques et d’importation et par un changement de nature de ces objets puisque apparaissent en nombre des récipients de type amphore qui traduisent des échanges économiques. La création d’ateliers de fabrication de céramiques grises monochromes en Languedoc fait l’objet d’une attention particulière de l’auteur. Et, en effet cette céramique arrive en moins d’un quart de siècle à représenter 80 % de la céramique fine sur tous les sites côtiers et un grand nombre de l’intérieur. Pour cette époque, l’absence de colonies grecques dans cette région est supposée par l’archéologie et par les sources écrites. Pour comprendre la place de ces ateliers, l’auteur évoque plusieurs hypothèses, pour terminer par celle qu’il retient : « une installation permanente d’un petit groupe de phocéens au milieu – ou à côté – d’une communauté indigène […] hypothèse qui s’accorde le mieux avec les observations archéologiques. ». Cette phase voit aussi des tentatives de pénétration dans l’arrière-pays. La troisième phase de cette interprétation est celle de la mainmise marseillaise sur le Languedoc qui voit la création d’un établissement massaliote (Agde). Le comptoir a une fonction militaire mais les nécropoles qui lui sont liées montre la présence de divers rites correspondant à des populations différentes « ce qui implique […] la cohabitation dans le comptoir lui-même, des mêmes éléments d’origines diverses […] Ampurias, autre colonie phocéenne où la cohabitation entre indigènes et Grecs est attestée ». Cette période est aussi celle de l’intensification des échanges. Les objets d’importation grecs sont très nombreux mais se développent en même temps les productions spécifiquement massaliotes, qui sont cependant concurrencées par des produits ibéro-puniques qui transitent par Ampurias.
Ce modèle, de 2000 ans postérieur au phénomène campaniforme, est édifiant tant il correspond parfaitement aux observations archéologiques sur le troisième millénaire. Il pourrait permettre d’expliquer le phénomène campaniforme en France méditerranéenne.
Au-delà de cette région d’étude privilégiée, ce modèle semble pouvoir être appliqué à la Péninsule Italique et à la Sardaigne (Lemercier et al., sous presse), mais sans doute aussi aux côtes atlantiques de la France qui présentent le même type d’assemblages que les côtes méditerranéennes. Il ne peut cependant pas être étendu à la totalité de l’Europe ; les possibilités de modes de diffusions du Campaniforme d’une région à l’autre demeurant très nombreuses et variées. Il s’applique assez bien aux régions qui présentent des chronologies longues du phénomène campaniforme avec le développement de groupes locaux dans une phase récente. Mais les régions où le Campaniforme n’est présent que sur un temps court et sous la forme d’objets isolés dans des contextes essentiellement funéraires pourraient tout aussi bien correspondre à la seule première phase du modèle avec des explorations menées par de petits groupes qui échangent des objets de leur tradition avec les indigènes rencontrés. Seules certaines régions, comme la France méditerranéenne, témoignent soit d’une réelle colonisation, soit d’un « succès » du Campaniforme ayant conduit à l’acculturation plus ou moins complète des populations locales.
3.2 Le Campaniforme en Europe occidentale
A la lumière de ces observations archéologiques et de ce modèle, l’expansion Campaniforme en Europe peut être envisagée à partir de la Péninsule Ibérique et sans doute du Portugal. Il s’agit au milieu du troisième millénaire d’un monde « plein » où les sites fortifiés se font face d’une colline à l’autre, où la production de métal semble occuper une place importante, en décalage avec la situation observée dans la plupart des autres régions d’Europe occidentale. La diffusion se fait bien par le déplacement de groupes sans doute peu nombreux et essentiellement par voie maritime le long des côtes atlantiques et méditerranéennes où nous retrouvons les assemblages de vases standards et pointillés géométriques. Les motivations de ces voyageurs, explorateurs, nous demeurent obscures, comme c’est le cas pour les colons de la néolithisation de l’Europe. S’agissait-il de prospecteurs à la recherche de matières premières ? Ou encore de commerçants pratiquant des échanges, diffusant des objets de métal et à l’occasion quelques gobelets de céramique décorée ? Mais peut-être s’agissait-il de réels explorateurs cherchant à implanter des colonies ou simplement à la découverte du monde.
Fig. 10 : Stèle anthropomorphe campaniforme de la nécropole du Petit Chasseur (Sion, Suisse). (photo O. Lemercier)
L’expansion campaniforme va gagner de très nombreuses régions d’Europe à la fois par des routes maritimes le long des côtes, mais aussi en traversant le continent par les grandes vallées. La seconde phase que l’on peut alors distinguer est celle du résultat de cette expansion, en terme d’acculturation ou de rejets des populations locales et globalement du succès du Campaniforme à travers l’Europe. L’extrême morcellement culturel de l’Europe occidentale avant l’arrivée des Campaniformes explique sans doute en grande partie les réactions différentes que l’on peut observer selon les régions. Dans le sud-est de la France même, un décalage chronologique dans le développement du Campaniforme entre la Provence et le Languedoc oriental témoigne de ces réactions diverses. En rive gauche du Rhône, le groupe Rhône-Ouvèze a accepté le Campaniforme qui semble s’intégrer très rapidement avec de nombreux transferts techniques de part et d’autres. A l’inverse, dans le secteur du groupe de Fontbouisse, en rive droite, la phase ancienne n’est marquée que par la présence de petits groupes d’objets isolés sur des sites indigènes et le réel développement campaniforme ne se fait qu’à la phase suivante avec le groupe Rhodano-Provençal. Il en va de même en milieu insulaire, entre Sardaigne et Corse avec des milliers d’objets et un développement local remarquable sur la première île et la seule présence de deux ou trois gobelets campaniformes en Corse où la culture terrinienne semble rejeter le phénomène, n’admettant dans ces phases les plus tardives que quelques décors inspirés du Campaniforme sur sa céramique traditionnelle. Sur la côte atlantique, dans le Centre-Ouest de la France, l’implantation campaniforme influe de façon assez nette sur le groupe d’Artenac, qui va perdurer après les premiers contacts mais en intégrant de notables traits des traditions campaniformes. Au contact de l’Europe centrale et de la grande culture Cordée, le Campaniforme va être représenté dans des sépultures individuelles, selon la tradition cordée, mais inversant systématiquement la symbolique cordée, à la fois concernant la position et l’orientation des corps et dans le mobilier funéraire, témoignant d’un certain antagonisme entre les deux traditions culturelles se partageant les mêmes territoires, au moins pendant un temps.
Ainsi, le Campaniforme va-t-il connaître un succès différent selon les régions et provoquer dans tous les cas des réactions locales d’intégration, d’acculturation ou de rejet qui vont modifier en profondeur le panorama culturel de l’Europe. Dans certaines régions, le Campaniforme s’implante de façon très importante et ses traditions culturelles vont perdurer, avec plus ou moins d’évolutions et de transformations, bien au-delà de la fin du troisième millénaire, dans les débuts de l’âge du Bronze. C’est le cas dans une grande moitié nord de l’Italie qui va intégrer de nouvelles traditions orientales et les diffuser dans un très large sud-est de la France. C’est encore plus évident dans les îles britanniques où les traditions campaniformes vont persister dans les premiers siècles du second millénaire. Mais même dans les régions où le Campaniforme va s’implanter de façon très profonde en remplaçant l’essentiel des traditions locales du Néolithique, il demeure difficile de prouver la disparition totale de ces cultures locales. Dans de nombreuses régions, même si la résolution des datations ne permet pas une grande précision, certaines cultures locales semblent « survivre » à l’acculturation et perdurer jusqu’à l’aube de l’âge du Bronze en contribuant à la genèse des cultures matérielles qui vont caractériser le début du second millénaire.
L’observation de la trame chronoculturelle de l’Europe occidentale au troisième millénaire permet de considérer le Campaniforme comme marquant la fin du Néolithique. A l’échelle continentale, les modes de vie des populations ne sont sans doute guère différents de ceux des premiers colons néolithiques. Il s’agit d’un monde agro-pastoral essentiellement rythmé par les travaux des champs et les besoins des bêtes. Les groupes humains relativement autarciques, à l’identité communautaire affirmée par les enceintes, les grands monuments et les traditions matérielles strictes s’ouvrent cependant au monde par des contacts, des échanges… Si les techniques évoluent, même le métal ne constitue toujours pas une réelle révolution se cantonnant plutôt au domaine symbolique ou ostentatoire que marquant l’outillage des activités quotidiennes. Seules certaines régions semblent montrer des évolutions notables comme dans la Péninsule Ibérique pendant le troisième millénaire, comme c’était le cas dans les Balkans deux millénaires plus tôt. La recomposition culturelle amorcée, en Europe occidentale et centrale par le phénomène campaniforme échappe sans doute à la conscience des habitants de ces différentes régions. Il faut attendre le premier tiers du second millénaire pour que de réelles transformations dans les sociétés, contemporaines de l’arrivée massive d’objets de bronze ouvrent réellement sur les sociétés du métal.
Pourtant certains considèrent le Campaniforme comme appartenant déjà à cet âge du Bronze. Cette idée repose à la fois sur le développement important de la métallurgie à ce moment et sur sa diffusion à l’ensemble du continent, mais aussi à des innovations dans ce domaine comme l’emploi de plus en plus courant des alliages et peut-être dans certains cas, déjà, du bronze à l’étain. Cette façon d’envisager le phénomène campaniforme pourrait être renforcée par l’observation des formidables routes de communication et d’échanges qui se mettent en place lors de la première diffusion du phénomène et qui semblent encore gagner de l’ampleur pendant la phase récente avec les échanges multipolaires qui caractérisent les assemblages des groupes campaniformes régionaux. Dans ce sens là, le Campaniforme pourrait être compris comme n’appartenant plus au Néolithique stricto sensu.
C’est cette ambivalence du phénomène qui est sans doute le fait le plus intéressant. Si toute période peut être considérée, d’une façon ou d’une autre, comme un moment de transition entre ce qui la précède et ce qui la suit, l’expression est particulièrement bien adaptée au Campaniforme. Il s’agit incontestablement d’un phénomène de nature historique qui contribue à la transformation et à l’évolution des sociétés de façon profonde et durable, même si les hommes de l’époque, dans leur vie quotidienne, n’en ont pas eu réellement conscience.
De la Préhistoire à l’Histoire
Rares sont les archéologues, préhistoriens, qui ne se sont pas intéressés à un moment ou à un autre de leur carrière, au phénomène campaniforme. Mais finalement très peu d’entre eux y ont réellement consacré la totalité de leurs recherches. Peut-être que, face à l’ampleur des interrogations et aux difficultés à les résoudre, l’abandon est-il la solution ultime. Depuis maintenant plus d’un siècle, ce sont des centaines d’ouvrages et des milliers d’articles qui ont été écrits sur cette « énigme ». Des progrès très importants ont été faits tout au long du siècle qu’il s’agisse de la connaissance des données archéologiques elles-mêmes ou des interprétations qui peuvent en être proposées. Pourtant aucun consensus réel n’est apparu à ce jour concernant ni l’origine du phénomène, ni sa nature même. Les hypothèses et le modèle proposés ici ne sont, à ce titre, que des hypothèses et un modèle de plus au sein de ce vaste débat. Pourtant il permet de ne plus considérer le phénomène campaniforme comme une énigme mais comme un processus historique très proche de ceux qui ont marqué la Protohistoire méditerranéenne, quelques siècles plus tard. L’histoire des disciplines de l’archéologie interdit encore trop souvent le dialogue entre les périodes, sévèrement compartimentées, et ont conduit les préhistoriens à se tourner vers les modèles actualistes de l’ethnologie. Pourtant les solutions sont sans doute à trouver dans des périodes et des géographies plus proches des problèmes préhistoriques. Au travers de ces rapprochements, c’est aussi et surtout le caractère « moderne » des phénomènes de la fin de la Préhistoire qui doit être remarqué. L’absence de l’écriture dans les sociétés de la fin du Néolithique, ou de récits écrits les concernant, ne peut cacher que les mécanismes et les évènements qui sous-tendent leurs évolutions sont beaucoup plus proches de ceux qui marquent les sociétés historiques que de ceux des populations de chasseurs-collecteurs du Paléolithique. Et, un même regard porté sur la néolithisation ne conduirait-il pas aux mêmes conclusions ? En ce sens, la stricte séparation disciplinaire entre Histoire et Préhistoire, entre historiens et archéologues n’est elle pas qu’un artifice qui contribue encore à cacher l’évolution longue, complexe et buissonnante des sociétés humaines à ce moment crucial de leur histoire ?
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Olivier Lemercier
Université de Bourgogne
UMR 5594 Archéologie, Cultures et Sociétés
Bâtiment Gabriel, 6 boulevard Gabriel
F-21000 DIJON
olivier.lemercier@u-bourgogne.fr
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